« ta mère, c'est une pute et toi, t'es un sale noir. » « mais nan, lui on l'a surement trouvé sur une plage de Thaïlande en train de tirer des pipes pour trois baht. haha » L'adolescence a toujours fait mal, à tous les niveaux. Que l'on soit grand, petit, gras, épais comme des câbles de frein, noir, blanc, jaune; personne n'y échappe, encore moins lorsqu'on vient d'une classe sociale inférieure à la moyenne. Jaelin était la cible préférée de ses camarades de classe, principalement pour le teint de sa peau, son physique, son statut social et finalement, pour la mono-parentalité dont il était victime comme un nombre incalculable d'enfants depuis quelques années. Sa mère avait fait le choix de l'élever seule - il y avait eu tellement d'hommes au même moment dans sa vie qu'elle s'était arrêté de compter les probabilités. Ce n'était pas une "prostituée" comme les camarades de Lin s'amusaient à la surnommer vulgairement, juste une femme frivole et un peu trop jeune pour se rendre compte de l'impact de ses actes. Alors voilà comment elle tomba enceinte à dix-sept ans et fût assez stupide pour vouloir garder l'enfant à tout prix, allant jusqu'à se faire renier par sa famille. Ce n'était pas un problème, solide, elle l'était, elle n'avait jamais douté de ses capacités et ce n'était qu'une expérience en plus à ajouter à son palmarès.

L'enfance de Lin se déroula plutôt "normalement" dans les limites du possible. Sa mère n'étant pas autoritaire, il lui arrivait souvent de dépasser les limites avec ses caprices, d'exiger plus et encore plus pour simplement obtenir l'attention de sa génitrice plus que les cadeaux inatteignables. Outre cela, il apprit rapidement à devenir autonome, manger par lui-même, s'habiller, se laver. « t'es un grand garçon, mon bébé ! » c'est bien là la seule récompense qu'il recevait et ça lui suffisait amplement malgré les moments de déception. Que pouvait-il y faire après tout ? Il grandit ainsi, à moitié par lui-même, bravant les brusqueries des autres enfants, ses propres peines, ses angoisses et il se forgea une carapace solide au fil du temps. La puberté changea radicalement son mode de vie et sa perception. Si il n'avait été qu'un enfant tout à fait banal jusqu'à ses quatorze ans, ce n'était maintenant plus le cas. Jaelin acquis une certaine popularité, principalement chez les filles et puis dans le club de basket où il excellait compétition après compétition. On lui colla rapidement une étiquette de coureur de jupons, voire de mauvais garçon. Pourtant, très peu le connaissaient réellement, assez pour se rendre compte qu'il n'était qu'un gosse en cruel manque d'attention.

Il décrocha son premier petit job à 16 ans et donna la moitié de sa paye à sa mère afin de l'aider dans les finances. Le reste servait à ses petits extra, ses sorties, ses plaisirs. Avec l'âge, il devint encore plus autonome et c'est parfois à s'y méprendre en le voyant agir avec sa mère. Jaelin est le type d'enfant hyper-protecteur et très reconnaissant derrière les apparences. Malgré tout, jamais elle ne l'a abandonné et à chaque obstacle elle était là pour l'aider. C'est sans doute pour cette raison qu'il voyait en elle la meilleure des mamans bien qu'elle soit éloignée des stéréotypes.

C'est finalement à l'âge de ses 19 ans qu'il reçu un billet simple pour hachijo-jima ainsi que les clés d'un appartement. La raison ? Son adorée maman s'était enfin trouvée un homme capable de l'entretenir et la dorloter à sa convenance - d'ailleurs, les cadeaux venaient de lui - le seul hic ; il ne la voulait qu'elle et il était temps, selon lui, que Jaelin vole de ses propre ailes. C'est ainsi qu'on lui dégota un petit appartement en colocation sur l'île et un billet d'avion sans retour.