« je m’appelle fang yuan, et je viens de lijiang, une petite ville modeste de la province de yunnan, au sud de la chine. enfin, en toute honnêteté, je ne viens pas vraiment de la ville mais d’un petit village très proche – mais je suis né dans cette ville, et j’y ai passé mon enfance également. je ne vais pas parler plus longtemps de l’endroit d’où je viens, je ne crois pas que c’est le but de ceci, c’est plutôt de moi que je dois parler.. je ne suis pas très doué pour ça, mais je vais essayer. je suis le premier et dernier enfant de mes parents, étant né en chine, sous l’autorité de la loi de l’enfant unique, ça me paraît assez banal, pour le coup. mes parents sont tout deux paysans, et j’ai passé toutes mes vacances d’été à aider dans les champs. en dehors de la pauvreté, je n’ai pas subi grand-chose, et celle-ci est très commune par chez moi. nous n’avons jamais vécus comme des princes, et la vie n’a jamais été très facile, mais ça m’a toujours convenu. »

en effet, la vie de yuan fût simple à l’extrême, si on peut dire. c’est un 11 mai qu’il vint au monde, en pleine journée – d’ailleurs, le père du jeune homme cru bien avoir à accoucher sa femme à la maison tant son arrivée fût soudaine. c’est néanmoins à l’hôpital de la ville la plus proche, lijiang, donc, qu’il vit le jour. ce fut un énorme soulagement pour le couple d’assister à la naissance d’un garçon, un fils. comme la plupart des chinois, ils avaient espérés et priés pour avoir un garçon. avoir une fille leur aurait causé bien des ennuis, et surtout, couté bien plus d’argent. mais fort heureusement, le contrat était rempli, ils avaient un enfant, un seul, et c’était un garçon, qui allait les aider, les soutenir, devenir grand et fort, et surtout, leur donner une descendance portant leur nom. les premières années furent paisibles, la jeune femme restait à la maison pour s’occuper de l’enfant pendant que le père moissonnait et vendait ses récoltes en ville, ramenant de quoi manger au soir.

il continua à vivre simplement comme ça jusqu’à son entrée à l’école primaire, ses parents ayant jugés l’école maternelle inutile. venant d’une famille pauvre et très traditionnelle, c’était impensable pour ses parents de le mettre à l’école publique, où il pourrait avoir de mauvaises influences des gens de la ville, et c’était également impensable de le mettre dans une école privée, leurs moyens ne leur permettant pas. ainsi, comme un certain nombre d’enfants chinois, ses parents décidèrent de le scolariser chez les moines, où on leur garantit qu’il recevrait une éducation irréprochable, autant sur un point scolaire que concernant les enseignements plus traditionnels, comme l’art du combat ou celui de la prière. pendant des années, il alla au temple tous les matins et rentrait le soir, ayant la chance de vivre si proche de la ville. pas une seule fois il ne s’était plaint. yuan était et avait toujours été le fils rêvé – un caractère facile et un tempérament serviable, beaucoup de patience et de délicatesse, un esprit vif, et une rapidité déconcertante à s’adapter à un nouvel environnement, de même qu’énormément de respect pour ses parents. enfant parfait, presque trop.

bien sûr, si yuan est aussi irréprochable, ce n’est pas franchement naturel et spontané, il n’a simplement jamais réellement eu le droit de faire des erreurs. soyons honnête, pourquoi faire des caprices quand on sait très précisément que quoiqu'on réclame, ce sera de toute façon impossible ? il s’est donc retenu, s’est contenté d’envier les autres et de rêvasser à une vie meilleure, ailleurs, une vie à la ville, une carrière, des amis, des sorties – tout ce dont un adolescent ou un jeune adulte rêve, peu importe d’où il vient. c’est en mettant ses propres désirs de côté qu’il passa son adolescence, aidant son père à vendre ses céréales en ville tout en continuant sa formation, participant même à des représentations d’arts martiaux, faisant partie des meilleurs élèves du temple.

il quitta l’enseignement à l’âge de 18 ans, choisissant de travailler plutôt, n’ayant plus rien à apprendre des moines, et n’ayant pas non plus l’argent nécessaire pour intégrer une université. sans compter le manque d’enthousiasme de ses parents – ils voulaient le voir devenir un agriculteur, comme son père, s’il décidait de quitter l’instruction des moines. leur plus grand rêve aurait été de le voir continuer et en devenir un lui-même ou intégrer l’armée, mais yuan n’a jamais été attiré par ce genre de carrière. il rêve de vivre en ville, d’avoir un bon travail – de faire des études, même, peut-être. c’est dans cette optique qu’il a quitté lijiang, il y a maintenant quelques mois. conscient d’avoir pour la première fois déçu ses parents, il a du mal à se le pardonner et pense à rentrer presque tous les jours, mais il ne peut sacrifier ses désirs d’élévation sociale, son envie de voir autre chose, de découvrir d’autres gens et cultures. hachijo-jima était l’endroit parfait et rêvé pour ça, et toutes ses maigres économies, durement gagnées durant son adolescence, y sont passées, autant pour le billet d’avion que pour son logement, minuscule, qu’il se doit de partager avec un garçon dont il ne parle même pas la langue. ce n’est pas facile pour le moment, mais yuan est optimiste, au moins ça.